Publié le 18 juin 2021
Pour ce 19ème parcours d’adhérents, cap sur l’île de la Réunion !
Réseau Vrac vous présente Florent, fondateur et gérant du Bocal Bio, et Nelly, fondatrice et gérante de Wake Up !
Florent : Je m’appelle Florent, j’ai 32 ans et j’ai commencé mon projet d’épicerie vrac et écologique en mars 2018. Je n’étais pas vraiment destiné au vrac mais j’ai eu une prise de conscience qui m’a donné envie de changer mon mode de consommation. J’ai travaillé dans des magasins bios, ce qui m’a plu. J’ai donc décidé de continuer dans cette voie. L’évolution de mon alimentation, de mon approche des autres et de la nature m’a poussé vers l’idée de création d’un commerce vrac. J’avais envie de pouvoir regrouper en un seul et unique espace des produits correspondant aux mêmes normes écoresponsables. Finalement, c’est ma décision de m’installer à la Réunion qui a été le plus grand facteur de changement : ici les gens ont une relation particulière avec la nature, elle fait vraiment partie de la culture et de la vie des réunionnais.
Nelly : J’ai ouvert mon premier commerce il y a environ 5 ans, en 2016. Ma deuxième grossesse a été accompagnée d’une volonté de changer de métier. Avant, j’étais dans les cosmétiques. Je me suis de plus en plus sensibilisée au bio et au 0 déchet. Mon projet initial était de créer une entreprise de couches lavables mais au final, je me suis dit qu’il y avait vraiment de quoi faire dans le vrac. J’ai lu Béa Johnson et cela m’a confortée dans cette idée. Ma première boutique proposait tous types de produits aussi locaux que possible. Je suis aussi la première de l’île à avoir vendu des œufs en vrac ! Aujourd’hui, j’ai deux épiceries : l’une dans le Nord et l’autre sur la côte Ouest. J’ai aussi créé un restaurant végétarien dans la deuxième boutique. Tout y est fait maison et l’objectif est d’y cuisiner les invendus des deux épiceries. Cela permet de proposer un concept original tout en limitant le gaspillage au maximum.
Florent : Et bien Wake Up ! était vraiment le magasin précurseur du vrac à la Réunion. Certains commerces faisaient du vrac mais ce n’était pas le cœur de leur activité. Moi, je me suis engouffré dans la brèche !
Nelly : Non, la Vie Claire avait un rayon vrac mais sinon rien autour. En tant que pionnière, je n’ai rencontré que des difficultés..! Déjà, ce n’est pas simple de monter une entreprise quand on ne l’a jamais fait. Mais le vrac, c’est encore plus compliqué. Il y a beaucoup de travail, beaucoup de procédures différentes… En habitant à la Réunion, je n’étais jamais entrée dans une épicerie vrac, donc j’ai tout fait grâce à Internet. Venir au Salon du Vrac m’a ensuite permis de me rendre compte que j’étais sur la bonne voie. Au final, je ne fais peut-être pas des bénéfices incroyables, mais j’aime ma vie et je travaille avec le cœur. En plus, je peux compter sur une super équipe.
Florent : Le gros inconvénient, c’est notre isolement. Hormis l’agriculture et le maraîchage, il n’y a pas beaucoup de propositions dans le bio. En ce qui concerne les filières de transformation, il n’y a pratiquement rien donc on est obligé d’importer. En fait, le côté éco-responsable est limité par l’impact carbone ; c’est vraiment le côté négatif par rapport à la métropole. Il y a aussi le problème des prix : qui dit importation dit surcoût, avec des produits parfois 20 à 30 % plus chers qu’en métropole. Donc fatalement, la fourchette de prix est plus élevée en venant faire ses courses en vrac ici. Mais les réunionnais sont avertis et consciencieux, ils comprennent la situation et participent au développement du commerce.
La Réunion a une faune et une flore exceptionnelles : c’est d’ailleurs ce côté brut et naturel qui attire chaque année des milliers de touristes. Et puis, nous sommes sur une île, pas besoin de regarder de reportages : les conséquences de la pollution se voient à l’œil nu. C’est un sujet très préoccupant, on a beaucoup d’associations environnementales et les médias locaux en parlent beaucoup ce qui accélère la prise de conscience des citoyens.
Nelly : Notre gros avantage, c’est notre isolement. Nous habitons sur une île donc si nous ne faisons rien, nous nous retrouverons bientôt enfouis sous nos déchets. Donc le vrac marche bien. Notre plus gros inconvénient, c’est aussi notre isolement ! On ne peut pas proposer autant de produits locaux qu’on le veut. Ici, l’agriculture est basée sur la canne à sucre qui est une catastrophe écologique, et le riz. Pour le reste, on est obligé de quasiment tout importer.
Florent : Nous sommes loins de la métropole ; l’association est un moyen de trouver du contact humain. Les gens partagent leurs expériences, des process mais aussi les évolutions de la réglementation vrac, ce qui est très important pour nous. On peut également prendre contact avec des fournisseurs ; et les événements permettent de découvrir les initiatives mises en place en métropole afin de ne pas être trop en décalage.
Nelly : Réseau Vrac permet de se sentir moins seule, d’enfin appartenir à une équipe. Je ne suis pas forcément très en contact avec l’association, mais je sais que le jour où j’ai un souci, je pourrai appeler et il y aura quelqu’un pour me défendre. C’est aussi très sympa de pouvoir contacter les fournisseurs grâce au catalogue de fournisseurs de l’association.
Florent : Il ne faut jamais négliger l’offre locale. Il faut la promouvoir et communiquer dessus. Ici, les gens sont fiers de leur patrimoine, c’est important pour eux. Lorsqu’on décide d’ouvrir une épicerie vrac, il ne faut pas juste être porteur de projet. Il faut être sincère dans sa démarche. Ici, ce sont les magasins qui ne font pas cela par opportunisme qui ont du succès. La Réunion est une petite île, il y a beaucoup de bouche-à-oreille, les gens savent qui vous êtes. Il faut donc être sincère et toujours transparent.
Nelly : Je ne sais pas vraiment quoi dire… personnellement j’ai foncé dans le tas ! Je dirais qu’il ne faut pas trop se poser de questions et y aller. Sur une île comme la Réunion, il faut être conscient que vous ferez du vrac mais ne serez pas totalement 0 carbone. Il faut aussi être hyper motivé : oubliez les 35 heures ! Enfin, allez-y avec le cœur, informez-vous, lisez des ouvrages sur le thème et rejoignez Réseau Vrac bien sûr !
Florent : Je considère que chaque jour est un bonus. L’arrivée du vrac dans les grandes surfaces m’effraie. Ici, le taux de chômage est élevé et beaucoup de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les grandes surfaces peuvent se permettre de proposer des prix au rabais mais nous, épiceries indépendantes, si nous voulons garantir la qualité de nos produits, nous ne pouvons pas le faire. Je considère que le plus gros avantage des épiceries vrac est leur vision éthique mais j’ai peur du jour où l’accessibilité prix vaincra cette dernière. Heureusement, nos clients ont confiance en nous et en nos produits, ils soutiennent notre démarche et nos commerces.
Nelly : Honnêtement je ne suis pas très sereine. De nombreuses grandes surfaces commencent à faire du vrac et j’ai peur que les petites épiceries ne puissent pas gagner la guerre des prix. Je ne considère pas faire le même vrac que les grandes surfaces car leur façon de faire ne me correspond pas. Je fais ce métier par conviction. J’aime toute la proximité que peut apporter une épicerie vrac : je peux échanger avec le commerçant, je vois des familles venir faire leurs courses en ayant l’impression de changer le monde ; c’est ça qui est beau.
Florent : Avec Nelly, on a une relation très particulière ; on se serre vraiment les coudes. On est dans la même démarche solidaire. A la Réunion, il n’y a pas de concurrence. J’essaie de créer des liens avec beaucoup d’autres commerçants et je pense qu’il faut continuer dans cette voie. Je remercie tous ceux qui sont engagés au niveau commercial mais aussi associatif sur l’île. Ces gens doivent continuer à se battre car les choses avancent petit à petit malgré tout.
Nelly : Florent et moi nous entendons très bien, on a vraiment créé un lien fort. Nous ne sommes pas issus du même milieu et n’avons pas la même expérience donc nos échanges sont très enrichissants. Nous nous faisons confiance, sommes complémentaires et avons le même objectif de vie. Ça me permet de me sentir moins seule. A la Réunion, il n’y a pas de concurrence : on s’envoie des clients, on n’est pas situés les uns à côté des autres… On se bat tous pour le même objectif donc c’est important de savoir vivre ensemble.
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